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L’abyssin

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Fiche de lecture publiée le 13 septembre 2024, rédigée par Eric Le Meur

Jean-Christophe Rufin, 1997, Prix Goncourt du 1er roman

J’ai lu ce livre il y a une vingtaine d’années, et j’en gardais un souvenir ému, très certainement à cause de l’histoire et surtout de la façon dont elle est racontée, du style exceptionnel de Jean-Christophe Rufin (il est facile de voir sur ce blog combien j’apprécie cet auteur, ne serait-ce qu’au nombre de livres que j’ai pu lire de lui).

Environ 20 ans plus tard, je me suis proposé de le relire, ayant un peu oublié l’histoire. Dans la vie littéraire de Jean-Christophe Rufin, je pense que ce livre est une étape, comme il le raconte lui-même dans sa biographie "Un léopard sur le garrot" : après avoir longuement travaillé sur le sujet, il publia L’Abyssin, qui lui valu le prix Goncourt du 1er roman (ce qui n’est pas à la portée de toutes les plumes).

Nous sommes au Caire, à l’époque du Roi Soleil, Louis XIV. Le consul de France, Monsieur de Maillet, reçoit un courrier de son cousin, ministre du Roi, lui demandant d’accueillir avec bienveillance un prêtre jésuite, porteur d’un projet qui, très certainement, ferait plaisir à sa majesté s’il se réalisait. La lettre est ambiguë, le consul n’est pas très futé, Il voit dans ce souhait l’occasion de remercier son cousin pour le poste de consul qu’il lui a obtenu, il accepte donc de mettre en place le projet présenté par le jésuite qui vient d’arriver : Il convient d’envoyer une ambassade en Abyssinie, pour qu’en retour, le roi d’Abyssinie envoie une ambassade en France auprès de Louis XIV, qui comprendrait plusieurs jeunes hommes qui iraient étudier au lycée des Jésuites de Paris, Louis Le Grand.

Depuis 50 ans, les jésuites sont persona non grata en Abyssinie, on envisage donc d’abord de constituer l’ambassade avec un commerçant pour justifier leur voyage, puis finalement on pense que le plus probant serait d’envoyer un médecin, capable de guérir le roi d’Abyssinie : celui-ci a en effet une maladie de peau. Au Caire, un jeune médecin français, Jean-François Poncet, a déjà guéri une maladie semblable, il est donc prédestiné pour se rendre auprès du roi.

Le jeune médecin, dont la science est expérimentale, et repose essentiellement sur les plantes (ce qui donne généralement des résultats bien plus probants que ceux des médecins officiels) est un homme libre : esprit ouvert, certes catholique de part le baptême, mais assez éloigné de la religion, associé à un Huguenot, ami des musulmans qu’il guérit comme tout le monde, généreux envers les pauvres qu’il soigne également sans les faire payer… il accepte de partir pour soigner le Negus, et d’être accompagné par un jésuite qui présentera au roi d’Abyssinie le projet de coopération.

En fait, tout est tordu ; le projet est monté par les Jésuites et leurs amis de la cour de France, sans que le Roi ne soit au courant. L’objectif est de devancer les Capucins, et de mettre l’Abyssinie dans l’escarcelle de la catholicité, pour que le Pape puisse avoir une vision positive de la Compagnie.

Poncet n’a pas conscience de tout cela : au début, il accepte le voyage par altruisme pour guérir un malade, puis il y voit l’occasion, une fois mandaté par le Négus auprès de Louis XIV, d’être à son tour nommé ambassadeur par le Roi Soleil, ce qui lui permettrait de revenir au Caire et d’avoir le titre nécessaire pour demander la main d’Alix, la jeune et belle fille du Consul, dont il vient de faire la connaissance.

(l’affaire est compliquée…)

Je suis impressionné par le travail de composition, le scénario, les différents éléments qui s’emboîtent, la complexité de l’histoire, la profondeur du vocabulaire, etc. De ce côté, je me fais tout petit devant le travail littéraire de l’auteur.

Quant au fond, en revanche, avec, de mon côte, très certainement plus d’expérience depuis ma première lecture, j’avoue que l’ensemble m’a finalement attristé. Cette « guerre fratricide » entre familles spirituelles de l’Église est pénible (même si l’on peut imaginer qu’il a pu en être ainsi). On sent le désir chez l’auteur de montrer que, finalement, le seul humaniste digne d’être donné en exemple est Poncet. Ce qui est un peu simpliste, car certes, compte-tenu des personnages présentés, Poncet semble le plus « humain » et digne de confiance. Mais il existe des hommes d’Église bien plus attirants que ces Jésuites et ces Capucins décrits par Jean-Christophe Rufin.

Enfin, que dire d’Alix ? Je n’entrerais pas dans les détails du stratagème qu’elle invente pour se débarrasser de son prétendant officiel. Je pense que beaucoup seront d’accord pour dire que « la fin ne justifie pas les moyens ». Alix, au fond, est une femme « libertaire » du 21e siècle, que Rufin a transposée a l’époque de Louis XIV.

Est-ce bien raisonnable ?

D'autres livres de Jean-Christophe Rufin

  • Un léopard sur le garrot

  • La princesse au petit moi

  • Les flammes de pierre

  • Globalia

  • Le suspendu de Conakry

  • Le parfum d’Adam

  • Le collier rouge

  • Immortelle randonnée

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