Les flammes de pierre

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Fiche de lecture publiée le 31 janvier 2022, rédigée par Eric Le Meur

Contemporain

Jean-Christophe Rufin

Par Jean-Christophe Rufin, Gallimard, 2021

Il faut être plus qu’habitué à la montagne, et à l’ambiance de Chamonix, pour être capable d’écrire « Les flammes de pierre ». Très souvent, les bons auteurs de romans effectuent en amont un travail de recherche pour décrire au mieux le milieu dans lequel se déroule leur action. Mais seul un initié aurait pu écrire les flammes de pierre. Trop de petits détails montrent que l’une des multiples vies de Jean-Christophe Rufin se déroule à Chamonix, dans la vallée et sur les sommets.

« Ils retirèrent les peux de phoque des skis, réglèrent les fixations pour la descente, et raccourcirent les bâtons »

Dans une brève introduction, l’auteur nous raconte la genèse du livre : au cours d’une course dans les aiguilles de Chamonix, il en vient à discuter avec ses compagnons de cordée, pour constater qu’il n’y a plus de grand romanciers de la montagne, comme pouvait l’être Roger Frison-Roche par exemple. Puis au détour d’un chemin, il croise celui qui va devenir le héros de son roman.

Rémy est guide dans la Compagnie des guides de Chamonix, et l’hiver, il emmène ses clients et clientes dans des sorties à ski. Sportif, beau, jeune, dynamique, les sorties de ski de Rémy sont souvent l’occasion d’une intimité plus étroite avec ses clientes, intimité plus ou moins passagère. Mais depuis quelques années, c’est sa vie : moins de courses harassantes, moins d’exploits physiques, mais plus de plaisir, dans tous les sens du terme. En ce sens, il est assez différent de son frère, guide lui-aussi, mais pourrait-on dire, « guide traditionnel », qui enchaîne les expéditions et les courses engageantes.

C’est au cours d’une sortie avec un groupe que Rémy fait la connaissance de Laure, avec qui le contact est tout de suite différent. Rémy comprend qu’il ne s’agira pas d’une rencontre éphémère. Laure lui demande de la guide dans une sortie en ski de rando, et le lien s’établit.

Laure rentre à Paris où elle travaille dans la finance, et revient à Chamonix lorsqu’elle le peut, pour partir en montagne avec Rémy. Celui-ci l’initie à l’escalade et à la découverte de la montagne. La relation semble profonde, sans pour autant qu’aucun n’ose poser de question, surtout pas Rémy. Le couple vit au jour le jour, puis lorsque la période de vacances est terminée, Laure rentre chez elle à Paris. Rémy est néanmoins profondément perturbé, au point qu’il est distrait dans son métier de guide.

Puis, pour savoir ce qu’il en est, Rémy décide de partir à Paris, et d’arriver chez Laure. L’accueil est chaleureux, sans pour autant qu’il y ait de question ou d’échange. Ils sont ensemble, et cela suffit.

Rémy décide alors d’abandonner le métier de guide de montagne, puis commence à chercher du travail sur Paris, pour gagner sa vie. Mais il tombe sur de mauvaises fréquentations. Laure s’en rend compte, et le chasse.

Comme d’habitude, l’écriture est magnifique. Dans le style, le vocabulaire, l’ambiance… Enfin, surtout l’ambiance de montagne. Car l’ambiance humaine m’a semblé très triste. Je sors du cadre littéraire pour évoquer le contenu, pour dire que j’ai terminé ce roman avec une profonde tristesse. Autant le cadre de Chamonix et de la montagne m’est familier, autant ce cadre relationnel m’est relativement étranger, et je ne peux concevoir qu’il en soit ainsi dans une relation entre deux personnes.

« Laure avait promis qu’ils se reverraient bientôt mais s’était gardée de préciser quand. Rémy n’avait pas osé le lui demander. Évoquer son retour alors qu’elle n’était pas encore partie aurait été une faute. »

Évidemment, à force de ne pas se parler, on ne se comprend pas, et les relations deviennent très compliquées, même si le livre nous propose un « happy end ».