Accueil > Fiches de lecture > Soldats bleus
Fiche de lecture publiée le 7 juin 2018, rédigée par
De Pierre Loti. la Table Ronde, 1994, ré-édité en poche en 2014.
A partir de 1868, Pierre Loti tient un journal personnel, dans lequel il raconte, bien évidemment, tous les événements marquants de sa vie. « Soldats Bleus » est une partie de ce journal, correspondant aux années de la guerre 14-18. Le texte est agrémenté de commentaires sur la vie de Loti. On utilisera avec profit les informations sur l’auteur de sa page Wikipedia, qui permettent entre autre de comprendre sa situation militaire. Loti, en plus d’être académicien, est parfaitement introduit dans les plus hautes sphères de la République. Ami du Président Poincaré, celui-ci utilise la finesse de l’écrivain pour lui confier différentes missions diplomatique. Il est connu dans le monde littéraire dans toute l’Europe.
On découvre dans « Soldats Bleus » une partie de la vie de cet homme, alors qu’il se sent sur le déclin. L’homme est sensible, manifestement sans espérance éternelle, et il perçoit, parfois très réellement, que sa fin est proche : la grippe qui le terrasse au début de l’année 18 a d’ailleurs bien failli l’emporter :
« Le 5, je me suis donc couché, vaincu par la fièvre, pour commencer une longue maladie qu devait me mettre tout près de la mort »
Bien évidemment, l’ambiance de la guerre est atroce. Et c’est l’aspect fort intéressant du livre : Même si Loti a réussi à obtenir un poste en État Major, il revient régulièrement chez lui, à Rochefort et à Hendaye, pour des permissions longues, et il nous fait participer de l’atmosphère mortifère qui règne loin du front : les gens perdent les uns après les autres des membres de leur famille, il n’y a plus à manger.
Loti, donc, reçoit plusieurs missions dans différents Etats Majors, et on le retrouve tantôt en Alsace, puis sur le front du Nord, à Vic sur Aisne, où il réside dans une petite maison réquisitionnée. Il nous propose une magnifique description de Soissons, ville morte, de Reims, dont il visite la cathédrale détruite. Il nous parle de ses relations avec les différents généraux auprès desquels il est affecté, (Franchet d’Esperey, Galliéni) et le moins que l’on puisse dire, c’est que ses relations avec le général Pétain ne sont pas exceptionnelles :
« Le goujaterie du Général Pétain, qui sournoisement et sans motif, me renvoie à la disposition du ministre »
Il est également envoyé comme officier de liaison en Italie, sur le front avec l’Autriche. On découvre que si l’armée française n’a pas hésité, au début de la guerre, à faire charger les hommes en pantalon rouge baïonnette au canon, les italiens n’ont pas fait mieux en envoyant les leurs prendre d’assaut les forteresses escarpées en altitude.
Le journal comporte quelques très beaux textes plus longs, tels que « femmes françaises pendant la Grande Guerre, A Soissons, Les gaz de mort, Il pleut sur la Somme… » où l’auteur laisse parler son génie littéraire, et sa capacité à décrire des lieux et des événements tragiques.
Enfin, on est frappé par l’attitude profondément anti-germanique de l’auteur. En période de guerre, cela semble normal. Mais Loti nous les décrit comme d’ « immondes barbares », qui n’ont aucune hésitation à détruire des bâtiments multiséculaires !
Le livre n’est pas exactement un récit de l’arrière garde : c’est avant tout le journal de Pierre Loti. Il y a donc des récits assez personnels, en particulier les relations avec ses fils. Tous n’ont manifestement pas le droit à la même considération. Certains passages sont assez longs, voire longuets, et parfois je me suis un peu ennuyé. Très certainement à cause d’un style certes brillant, mais auquel je ne suis peut-être plus habitué.
Néanmoins l’ensemble ne manque pas d’intérêt. Avec « Ceux de 14 », nous avons suivi la vie d’une brigade sur le front ; avec « Soldats Bleus », nous avons tout de même un bon aperçu de l’arrière garde et des souffrances supportées par la population.
Je cherche un livre, un auteur, un article, un mot-clé...