Accueil > Fiches de lecture > Le Concile de pierre
par Jean-Christophe Grangé , VSB 2001, pp. 642 (1e éd. Albin Michel 2000).
Roman policier, avec une forte composante de fiction, en raison des phénomènes paranormaux qui entrent en jeu. Il a été porté au cinéma. La trame sous-jacente est tout à fait édifiante : l’expérience d’une femme, traumatisée affectivement dans sa jeunesse (d’où un conflit avec sa mère et en plus une phobie envers l’amour conjugal) ; après avoir adopté un enfant, elle fait de nombreux sacrifices pour lui (dans le cadre du thriller) et achève ainsi un parcours « initiatique » pour retrouver son rôle affectueux de mère. Comme dans d’autres ouvrages, l’auteur propose un idéal altruiste : la lutte courageuse contre le mal, dans un but de délivrance, de soi et des autres, qui réussit.
Le roman est divisé en 3 parties ; les chapitres ne portent pas de titre :
Le récit est situé avec grande précision topographique, à Paris surtout, mais aussi dans sa banlieue et dans plusieurs pays ; ainsi que chronologique : de septembre à Noël 1999. En plus de la diversité géographique (Indochine, Russie, Mongolie), s’ajoute l’exotisme culturel et l’ésotérisme des religions animistes tribales. L’auteur étale son érudition sur plusieurs domaines : linguistique, peinture, ethnologie, éthologie animale (prédateurs), techniques d’hypnose et d’acupuncture, imagerie médicale, physique nucléaire, armement, arts martiaux (avec le combat magistral du chap. 33).
La description des personnages est bien relevée : avec leurs qualités et leurs défauts ; il y a aussi des personnages foncièrement « méchants » ; ceux-ci sont excusés, d’une certaine façon (tout en excluant le déterminisme génétique, p. 591), car ils seraient guidés par des « forces vitales » inconscientes, comme le sont certains animaux prédateurs, où l’on voit « l’essence même de la violence » (p. 27).
Les aspects psychologiques des personnages sont décrits minutieusement : colères, peurs, suspicions, angoisses, culpabilité, en plus d’autres états physiologiques liés à la fatigue et à la drogue. Tout cela, ajouté aux énigmes de l’action, maintient le dramatisme sans relâche tout au long du récit. Le partage maternel de la douleur de l’enfant est bien souligné (p. 226 ; chap. 59 passim). Sur le plan érotique, le récit est extrêmement circonspect (flirt rejeté sans ménagement, p. 37), ce qui est remarquable compte tenu du genre et des milieux crapuleux présentés dans le récit ; pour le reste, il y a des allusions à des comportements courants, mais objectivement déviants ou provocants, sans s’arrêter à des descriptions moroses (habillement féminin, p. 161 ; avances ratées, p. 65). Certains passages sont crus : souvenirs rapides d’une excisée par agression (p. 566) ; césarienne brutale (p. 590).
Sur le plan des idées, l’élément « paranormal » (transes totémiques, prévoyance, psychokinèse, états cataleptiques), décisif dans la trame, est placé dans un cadre vitaliste animiste, sans d’autres justifications, comme une alternative au dualisme, qui voudrait accepter en même temps le scientisme matérialiste et le spiritualisme humaniste (p.257). Le « concile » mentionné dans le titre a une connotation religieuse naturelle (p. 602). On évoque vaguement le recours à la prière (p. 75 ; p. 541) et certains personnages sont capables de demander pardon. Les peuples primitifs sont considérés « purs » dans leurs croyances, qui seraient révélatrices d’une force spirituelle efficace (p. 548). À plusieurs reprises il y a une critique du pouvoir technique (physique, médecine) qui se tourne contre la vie et la dignité humaine : tortures, emprisonnements, meurtres. De même, le despotisme politique est critiqué, avec des références explicites au régime communiste. À propos de la décision d’adopter un enfant, on passe en revue les variantes de procréation assistée, qui sont exclues catégoriquement (p. 44).
Conseil pour les parents : lecture de loisir pour adultes.