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L’envie d’y croire

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Fiche de lecture publiée le 12 juillet 2019, rédigée par Eric Le Meur

Eliette Abécassis, Albin Michel, 2019

Lorsque j’ai découvert, par l’intermédiaire d’articles dans plusieurs hebdomadaires, qu’une écrivaine célèbre proposait un livre dénonçant la tyrannie du portable, l’addiction aux réseaux sociaux, et plus largement, la perte du sens de la vie à cause de ces nouveaux outils de communication, je me suis précipité pour l’acheter. Allions-nous enfin avoir une grand voix pour dénoncer certains faits dont je parlais modestement dans mon petit livre « Mon enfant sur Internet » ? Les quelques articles que je recueille dans la rubrique « Enfance et Internet » de mon site ne semblent habituellement pas avoir de conséquences. Seules quelques vidéos font réagir certains parents et grands parents, et encore, modestement. Alors, que quelqu’un de reconnu prenne la parole pour dire la même chose, et même plus, ce fut pour moi une grande joie. D’autant plus que Mme Abécassis se propose d’aller plus loin, et de redonner du sens à notre vie. Moi qui suis, comme pas mal de monde, devenu très indifférent à la vie politique, et à la société française en général, je me suis dit : « pourquoi pas ? ».

Dès les premiers chapitres, je suis saisi par le texte et les idées. Un livre-réflexion, un livre-témoignage, qui part du vécu. Je me reconnais dans sa phrase :

« Je ne crois plus dans la gauche, je ne crois pas dans la droite, je ne me reconnais pas dans l’extrême droite ni dans l’islamo-gauchisme. Alors vers quoi puis-je me tourner ? »

(page 20)

Et j’accroche complètement à son objectif :

« Recouvrer un projet moral universel, remettre l’homme au cœur du problème. »

(page 27)

Le chapitre sur « l’ogre technologique » est le constat de quelqu’un qui a vécu cette pression technologique, car seule une personne étant passée par la « frénésie mobile » est capable d’en parler avec une telle précision. N’étant pas allé aussi loin qu’elle dans l’utilisation compulsive de mon téléphone, je n’aurais pu en parler avec autant de clarté.

J’adhère totalement à ses vues lorsqu’elle constate que le dialogue avec ses enfants n’est plus possible, que la lecture n’a plus d’intérêt, que l’on ne réfléchit plus, lorsqu’elle souligne les carences de la scolarité en terme d’apprentissage de l’histoire, de l’orthographe, etc. Je commence à prendre des notes, à décorer le livre de petits « Post it » de toutes les couleurs (pour ne pas souligner toutes les phrases…) et j’avance.

J’avance, et je découvre sa foi juive, ses racines, son éducation, sa formation intellectuelle, sa vie d’enfance puis l’explosion de sa vie familiale, sa souffrance qui transparaît, discrète mais réelle, au détours de quelques lignes, à cause de son divorce ; et très sincèrement je compatis ; je n’ai pas vécu de telles choses moi-même, mais des amis les ont vécues, et je sais que c’est très dur. J’ai jusqu’à présent quelques espoirs d’être sur la même longueur d’onde qu’elle, et je me mets à rêver qu’elle va proposer des solutions simples, auxquelles je pourrais adhérer. Je m’imagine déjà en train de fonder une association qui suggérerait au ministère de l’Éducation Nationale des solutions concrètes pour faire admettre à nos concitoyens les risques que l’on prend suite à une utilisation massive des « moyens de communication modernes ».

Puis arrive la réflexion sur le sens de la vie, et là, je ralentis. Je ralentis, parce qu’assez rapidement, je constate que la question de la foi se transforme en réflexion sur une vie commune entre Juifs et Musulmans. La mise en place d’un « Modus vivendi » qui a déjà existé (sa famille au Maroc vivait en bon terme avec les autochtones) et qu’il faudrait réussir à redécouvrir.

Cette réflexion sur la foi dérive vers une idéalisation de la pensée et de l’intelligence humaine, sorte d’anthropologie absolue, qui selon elle, permettrait de remettre l’Homme a sa place.

On a le sentiment, pour elle, que Dieu est mort. Tout au moins, s’il n’est pas mort, on ne peut pas compter sur lui. Si Dieu existe, comment a-t-il pu permettre la Shoah ? Comment a-t-il pu permettre les atrocités du 20ème siècle ? Comment a-t-il pu permettre les attentats de ces dernières années ?

En tant que catholique, il m’est difficile d’adhérer à cette vision. Tout d’abord, parce que mon Dieu n’est pas mort. Pour reprendre un « bon mot » que j’ai vu passer ces derniers jours sur les réseaux « Si votre Dieu est mort, essayez le mien : il est ressuscité ! » Ceci étant, je comprends que sa foi juive ne lui permette pas d’avoir cette vision. Le Peuple Juif attend le Messie, et je il n’est pas surprenant qu’ils aient le sentiment que depuis 2 000 ans, Dieu ne s’est pas beaucoup manifesté.

Ensuite, l’idéalisation de l’homme a déjà été tentée. Et ce n’est pas cette idéalisation qui va ouvrir la voie à plus de fraternité, plus de vertus, plus de respect de l’autre, plus de goût au travail, plus d’engagement (y compris, par exemple, dans le lien familial), plus d’égalité… etc.

On pourrait discuter longuement sur la devise de la République « Liberté, Égalité, Fraternité ». Je ne peux m’empêcher d’y voir des racines chrétiennes, mais là n’est pas le sujet. Peut-on croire que c’est en idéalisant l’Homme que l’on va pouvoir revivre ces trois idées ?

Alors oui, j’aimerais beaucoup discuter avec l’Auteure de son livre ; car bien évidemment, mon propos n’est pas de porter un jugement, encore moins de m’opposer à ce qu’elle a pu dire. Simplement, je me permets de contribuer à l’édification d’une solution à un problème dont nous partageons le constat.

En particulier, de même que la loi régule l’utilisation du tabac, pour des raisons de santé publique, je serai tout à fait favorable à une diffusion par les pouvoir publics d’informations massives sur les risques liés aux écrans, à l’addiction aux réseaux sociaux, etc. Des organismes médicaux soulignent déjà ces problèmes, dans d’autres pays l’État intervient déjà, mais pas en France ; ou très peu ; je pense que l’interdiction des portables dans Collèges va dans le bon sens.

Ensuite, Je trouverai beaucoup plus efficace d’apprendre à « vivre ensemble ». Chose que normalement les parents doivent apprendre en partie à leurs enfants, relayés par l’école. Je me souviens des cours de morale dispensés par le directeur athée de mon école primaire publique, où l’on apprenait qu’il ne faut pas voler, qu’il faut respecter les autres, respecter le code de la route, respecter l’autorité légitime… Respecter les autres, cela s’apprend, et c’est très certainement ce que l’on a enlevé à notre système éducatif et sociétal.

Il n’empêche que ce livre est tout de même une bouffée d’oxygène, un début de réflexion, et le constat qu’il reste encore un certain nombre de personnes sincèrement intéressées et préoccupées par l’avenir de notre société. Un bon point de départ pour une réflexion commune sur les moyens à mettre en place pour faire évoluer positivement la situation.

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