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J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond

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Fiche de lecture publiée le 25 novembre 2022, rédigée par Eric Le Meur

Par Alexis Jenni, aux Éditions Paulsen

Deux hommes passionnés par la nature : l’un a vécu au 19ème siècle (John Muir) l’autre (Alexis Jenni, l’auteur) est contemporain, biologiste, écrivain, lauréat du prix Goncourt 2011. John Muir (prononcez « miour ») est relativement peu connu en France, alors qu’il jouit d’une célébrité fantastique aux États-Unis. Il est connu pour avoir découvert le parc du Yosemite, ce qui n’est pas tout à fait vrai, et qui plus est un peu réducteur, car Muir a fait bien plus. La biographie d’Alexis Jenni est passionnante, et elle réussit à nous faire apprécier le personnage dans son intégralité.

Chose intéressante, Alexis Jenni ne nous propose pas une biographie froide, formelle, factuelle : il trouve le moyen de discuter avec le lecteur et de nous transmettre ses « émotions ». Même si le mot est un peu fort, on ressent chez l’auteur un profond respect à l’égard de John Muir, et une grande joie de s’être lancé dans sa biographie. Une sorte de « devoir de mémoire » dont il s’acquitte avec joie. Je ne recopie pas tout le long paragraphe de la page 84 (édition de poche), il commence de la façon suivante :

« Je parle de l’émerveillement de Muir, mais je dois parler de mon émerveillement devant Muir. J’aime les récits de voyage où l’on va lentement : on marche, on parcourt ce qui n’est qu’un trait sur une carte, on fait de brève rencontres qui deviennent d’infimes anecdotes, puis brusquement on s’arrête, sidéré devant une épiphanie de beauté : le paysage. (…) »

D’un point de vue stylistique, j’ai beaucoup aimé le vocabulaire, l’écriture, les petits clins d’œil humoristiques, pour rendre le texte vivant. L’auteur trouve également le moyen de « faire parler » John Muir, ce qui aboutit à une biographie avec des dialogues. Certes, ils sont insérés avec parcimonie, mais ils rendent l’ensemble agréable. On est loin de la biographie indigeste où l’universitaire se sent obligé de compiler tous les détails de la personne étudiée.

On sent également la dimension de l’amour de la nature commune aux deux hommes, et en ce sens Alexis Jenni semble tout à fait qualifié pour écrire la biographie de Muir. Les deux sont touchés par cette nature qu’ils veulent protéger, non pas par idéologie, mais par amour, et avec un certain respect pour le Créateur :

« Tenter de savoir qui il était permet de jeter un regard neuf sur la nature, un regard aimant dont elle a tant besoin, souffrante comme elle est, cent cinquante ans après cette aventure d’automne dans la forêt des géants, sur les montagnes de Californie qui n’en finissent plus de brûler »

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On découvrira dans le récit l’état d’esprit des pionniers de l’Amérique, puisque Muir est écossais, élevé à la dure dans la mentalité protestante de son pays, et que son père emmène un beau jour avec toute la famille pour s’installer dans ce nouveau territoire qui offre tant de possibilités. Muir fait partie de ses êtres exceptionnels qui n’avaient pas grand-chose, si ce n’est un caractère, une intelligence, qu’ils ont su faire fructifier pour devenir ce qu’ils sont. La biographie nous explique son amour des arbres, des oiseaux, des animaux, de la tempête, des glaciers, sa capacité à trouver un travail pour vivre pendant les périodes où il ne pouvait plus être dans la nature, son intervention pour faire classer le parc du Yosemite « réserve fédérale », et interdire ainsi cette destruction de la nature causée par l’industrialisation de la Californie… Un homme exceptionnel au destin exceptionnel, qui réconciliera certains avec la véritable écologie.

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