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Mao : l'histoire inconnue

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Fiche de lecture publiée le 6 octobre 2014, rédigée par Dominique Le Tourneau

par Jung Chang et Jon Haliday, Paris, nrf Gallimard, Biographies, 2005, 843 p.

Plus d’un lecteur de cet ouvrage risque de le refermer en cours de route, tellement la cruauté de Mao et de ses hommes, et son cynisme le plus absolu, sont présents tout au long de ces pages. Pourtant, il convient de tenir bon et d’aller jusqu’au bout de cette lecture éprouvante, mais combien instructive, qui met à bas bien des mythes entourant l’image de Mao. Il a bâti son pouvoir au détriment du bien-être vital de son peuple, dont il se moquait éperdument, à coups de bluff, en amenant ses troupes à se sacrifier par centaines de milliers de soldats, en affamant le pays en exportant les produits alimentaires de base pour acheter des armements aux Russes, en recourant à des tortures dont on trouverait rarement des équivalents dans l’histoire de l’humanité, en créant la terreur dans le pays, tenu en laisse par les séances d’auto-critique forcée, en éliminant les opposants ou soi-disant tels, etc.

« Mao Tsé-toung, qui pendant vingt-sept ans détint un pouvoir absolu sur un quart de la population du globe, fut responsable de la mort d’au moins soixante-dix millions de personnes en temps de paix, plus que tout autre dirigeant au XXe siècle », écrivent les auteurs en ouverture à leur ouvrage. En réalité, largement plus que tous les autres dirigeants réunis.

Cette biographie est le fruit de dix années de recherches, en particulier dans des fonds d’archives longtemps inaccessibles. Les auteurs ont également pu recueillir le témoignage inédit de nombreux acteurs des événements décrits. « Cet ouvrage se lit à la fois comme un récit d’horreur empoignant et comme un précis de philosophie politique digne de Machiavel. »

Machiavélique, Mao l’a été de façon remarquable. Ce qui lui a fort bien réussi. Staline avait besoin de lui, aussi pouvait-il se permettre de désobéir aux ordres du Parti et d’agir à sa guise. Il a été aussi servi par les événements : Roosevelt accordait plus de crédit au livre du journalise américain Snow, entièrement revue et corrigé par Mao, qu’au Département d’État. Le général Marshall n’aimait pas Tchang Kaï-chek et l’obligea à signer une trêve avec Mao, qu’il fit prolonger, ce qui permit à Mao de vaincre les nationalistes en Mandchourie, alors qu’il était sur le point de perdre la partie. Et ce, d’autant plus facilement que Tchang avait confié le commandement à un général qui était, en réalité, une taupe, et fit tout pour que Mao vole de victoire et victoire et échappe à une capture qui semblait inévitable…

« Le pouvoir politique, c’est le pouvoir d’opprimer les autres », déclarait Lin Biao, longtemps complice de Mao. Telle est la triste réalité qui a guidé l’action de Mao. Les auteurs font remarquer que Mao « n’était mû ni par l’idéalisme ni par l’idéologie. S’il adhéra au marxisme-léninisme, c’est avant tout parce que cette doctrine lui permettrait de s’emparer du redoutable instrument de pouvoir qu’avait créé Lénine : le parti unique. Maître du Parti communiste chinois à la fin des années 1930, puis, en 1949, de tous les leviers de commande de son pays, après une guerre civile meurtrière et avec le concours décisif de l’URRS, Mao devins alors, comme l’a écrit Simon Leys, ‘le suprême despote totalitaire’. Presque invisible, comme l’avaient été les empereurs, il imposa à son peuple un état permanent de mobilisation quasi militaire et une existence aride, périodiquement entrecoupée d’explosions de violence et de ‘campagnes de terreur’ dévastatrices ».

Citons au passage son comportement désinvolte mais non moins despotique envers ses épouses successives, ses enfants et ses maîtresses.

Les auteurs mettent à mal nombre de légendes sur Mao : la Longue Marche, qu’il effectua presque intégralement en palanquin, ainsi que les autres dignitaires, les porteurs mourant en nombre en cours de route ; la soi-disant victoire au pont sur le Dadu, à la suite d’un combat qui n’a jamais eu lieu, mais que Snow a immortalisée, etc.

Inutile de prétendre faire état de toutes les atrocités et de toutes les souffrances dont le peuple a souffert de par la volonté expresse d’un homme qui prenait plaisir à voir souffrir les autres. Il faut lire ce livre.

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