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Le Père Joseph. L’Éminence grise de Richelieu

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Fiche de lecture publiée le 6 octobre 2014, rédigée par Dominique Le Tourneau

par Benoist Pierre, Paris, Perrin, 2007, 476 p.

L’auteur est agrégé et docteur en histoire, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et de l’Institut universitaire européen de Florence. Il enseigne à l’université de Tours et à Science Po. Le Père Joseph, appelé aussi frère Joseph de Paris, François Le Clerc de Tremblay de son nom d’état civil, ancien baron de Maffliers, est une personnage-clé de la vie française du début XVIIe siècle. Né en 1577, il entre dans l’ordre des Capucins en 1599, et décède en 1638. Il fut la cheville-ouvrière de la politique de Richelieu visant à soumettre les Grands, les rebelles huguenots et les ennemis de la France pour étendre la gloire du roi Très-Chrétien.

L’auteur rédige une biographie savante, la première depuis plus de soixante-dix ans, après avoir examiné des archives inédites, vaticanes et surtout privées. Il découpe la vie du Père Joseph en trois périodes : fuir les divisions du monde (1577-1599) ; retrouver l’harmonie du monde (1600-1624) ; servir le roi pour la gloire de Dieu (1624-1638), qui montrent bien les grandes orientations de la vie de notre homme.

Mais il ne faut pas voir en lui seulement un homme politique : il s’agit avant tout d’un religieux, qui, après avoir réformé l’Ordre des Bénédictines du Calvaire, de Fontevraud, près de Saumur, il fonde, en 1617, la Congrégation des Filles du Calvaire, ou calvairiennes, ordre dédié à Notre-Dame-du-Calvaire en référence au culte marial du sanctuaire de Saumur, pour lesquelles il rédige des instructions, auxquelles il prêche souvent et qu’il fait prier pour l’heureux aboutissement de ses entreprises, mais aussi aux Lieux Saints qu’il envisageait de reconquérir.

En effet, il dresse, en 1614, un plan de croisade, avec l’aval de ses supérieurs, du saint-siège et du jeune roi Louis XIII, opération à laquelle il intègre la Milice chrétienne fondée par Charles de Gonzague. Le P. Joseph rédige six mémoires destinés à défendre sa cause auprès des princes d’Europe. Il publie aussi la Turciade, ouvrage dans lequel il présente la croisade comme la guerre finale de saint Michel contre le diable. La croisade aurait comme avantage de faire cesser les conflits armés en Europe, de « rallumer l’affection de la piété dans les esprits des catholiques », de les amener à la prière publique, à la pratique des sacrements et des offrande, de ramener à l’Église les « dévoyés de la foi » et d’obtenir la conversion des musulmans. L’objectif de reprendre les Lieux Saints n’était qu’un moyen en vue d’une autre finalité plus élevée : la pacification de l’Europe qui, à son tour, permettrait la conversion des hérétiques. Il revenait au roi de France de prendre la tête de la croisade au profit de l’ecclesia catholica. Louis XIII fit savoir au pape qu’il était prêt à s’engager, à condition que les autres princes chrétiens en fissent autant.

Si nombre de cours européennes s’intéressent alors au projet, il échoue par suite de l’opposition de l’Espagne, qui n’entend pas soutenir une initiative de son ennemi français. Le Capucin tourne alors ses efforts vers la guerre contre les huguenots, étant fermement convaincus que seul Louis XIII était capable de ramener la bonne entente dans la chrétienté. Dans son Instruction d’un prince vraiment chrétien, de 1622 ou 1623, il décrit les qualités que le prince doit posséder pour briller à la manière d’un soleil. Étant un « Dieu visible », il « faut se tenir attaché à son mouvement par estime, qui dissipe les nuages des jugements et impressions obscures ». Par sa métaphore solaire, le P. Joseph donne au roi une position centrale dans l’ordonnancement terrestre, qu’il a restauré par son autorité, devenant de ce fait le « Toi-Soleil » et pouvant désormais déployer sa fonction médiatrice, devenir un nouveau roi croisé, un Roi-Christ, fils aîné de l’Église, comme Saint Louis l’avait été en son temps. À travers l’action de son prince, la France devait « éclairer » les autres peuples.

L’échec de la croisade, par la « mauvaise foi » des Habsbourg, amena aussi le P. Joseph à réorienter son action dans le sens des missions, tant en France qu’au Levant, cherchant par là à assurer aussi la gloire éternelle du roi Très-Chrétien. Le pouvoir du roi, soulignera-t-il, réunit celui des trois personnes de la Trinité : « L’intellect fait office de Fils, lequel comme nous avons dit est lumière du Père. Ainsy cette faculté éclaire l’âme et luy sert de flambeau, et comme le Saint-Esprit est l’amour du Père et du Fils, de mesme notre volonté est capable d’aymer ; la liberté de vouloir ou non vouloir réside en elle. » Dans son esprit, Richelieu devient le « vice-roi ».

Cette action du P. Joseph lui a valu le surnom d’« Éminence grise » (de la couleur de sa bure). Toutefois, comme le souligne l’auteur de la présente biographie, « il n’avait rien d’un personnage occulte agissant à l’ombre des pouvoirs. Il était plutôt un homme qui, sans en avoir reçu le titre, jouait un rôle classique d’agent du roi, soumis à l’autorité du Cardinal, elle-même étroitement dépendante du pouvoir discrétionnaire de Louis XIII. L’influence grandissante du capucin était certes liée à sa relation particulière avec Richelieu, à ses propres qualités et à sa capacité de se constituer un réseau de clients. Elle résidait surtout dans son statut de clerc et de dévot qui lui permit, dans une quête d’unité toujours renouvelée et adaptée aux circonstances, de construire son ascension au sein de l’Église, puis d’associer la destinée des structures ecclésiales à celles de l’État ».

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