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Lamennais ou l’hérésie des temps modernes

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Fiche de lecture publiée le 16 juin 2014, rédigée par Dominique Le Tourneau

Par Michel Mourre , Paris, Amiot-Dumont, 1955, 375 p.

Cet ouvrage est particulièrement intéressant, car il ne se contente pas de retracer l’itinéraire de Félicité La Mennais, né à Saint-Malo, en 1782, devenu de Lamennais par anoblissement de sa famille, en 1788, ordonné prêtre en 1816, jusqu’à sa sortie de l’Église catholique et sa mort en impénitent, en 1854, mais il le replace dans le contexte plus large de l’évolution des idées religieuses, politiques et culturelles de l’époque.

Son frère aîné Jean-Marie est prêtre : il le suivra quelque temps, mais se consacrera à son ministère. Tandis que Félicité « s’est fait chrétien pour Jean-Marie ; il se fait prêtre pour l’abbé Carron », qui était devenu son grand ami ; « il se fera apostat pour le peuple. […] Le Dieu de Lamennais s’appelle l’amitié ».

Lamennais suit Bonald dans l’idée d’une révélation primitive faite par Dieu aux premiers hommes et conservées par tous les peuples. Il découvre dans le Christ non le destructeur des dieux anciens et le libérateur des idoles, « mais la figure la plus achevée des songes métaphysiques de l’Antiquité. S’agit-il encore de l’universalité catholique ? » Enfin le christianisme est à compléter, à « élargir » et doit pénétrer dans les institutions sociales, ce à quoi il va s’employer.

Il n’est pas possible de résumer toute la pensée de Lamennais, d’autant qu’elle est évolutive, en fonction des déceptions qu’il reçoit tant de la royauté que, dans un deuxième temps, de la papauté. Contentons-nous de relever quelques aspects. L’Église idéale à venir confond son destin avec les pauvres et s’identifiera à la politique des peuples, car la lutte des classes devient la nouvelle expression de la bataille entre Dieu et satan. « Féli a jugé les hommes : d’un côté les puissants, les riches, les ministériels – les damnés ; de l’autre côté les pauvres qui vont jouir, par la grâce de leur pauvreté, d’une espèce de sainteté de nature ».

Les institutions sont mauvaises, les rois sont le péché du monde, mais le cœur de l’homme est pur, et il faut le délivrer en changeant les institutions, en chassant les rois qui l’oppriment. Seulement « dans la mesure où le mal perd son mystère surnaturel pour bientôt se confondre avec une certaine société, un certain régime politique décrétés mauvais, la révolution terrestre tend aussi à remplacer la Croix dans l’œuvre du salut ». Ce n’est donc plus la Croix mais la Révolution qui sauve l’Église et, avec elle, le genre humain.

Le directeur de l’Avenir, fondé avec Lacordaire et Montalembert, rue Jacob, à Paris, prône un libéralisme dont il attendait qu’il soit approuvé par le saint-siège. Or, cette approbation tarde à venir – elle ne viendra en fait pas, et ce sera la condamnation par l’encyclique Mirari vos, en 1832, après un voyage infructueux de Lamennais à Rome, en compagnie de Montalembert et de Lacordaire, ce dernier l’abandonnant alors. L’Église ne siège plus à Rome. Ne siégerait-elle pas dans les bureaux de la rue Jacob ?

Lamennais a fondé beaucoup d’espoirs sur le pape, qui restait malgré tout au centre de son système. « Ceci explique qu’il accueillera sa condamnation dans un furieux scandale et également qu’aussitôt atteinte sa foi dans le pape, il abandonnera rapidement le christianisme lui-même, sans débat théologique ». Désormais, la mission de la révolution n’est plus de dégager l’Église en balayant les obstacles du dehors, mais de « la transfigurer de l’intérieur, en modifiant ses institutions, en changeant l’esprit de ses ministres et, sur les ruines de l’Église charnelle, d’accoucher l’Église de l’Esprit – comme le Christ, autrefois, institua le règne de la Grâce sur les ruines de la Loi ».

L’ouvrage s’agrémente d’une chronologie (p. 363-366) et d’une rubrique intitulée « 1854-1954. Lamennais, les siens et les autres » (p. 367-373), qui apporte de nombreux témoignages, en premier lieu de ses amis Chateaubriand, Joseph de Maistre, Sainte-Beuve, Lamartine, et allant jusqu’à Bernanos et Mauriac.

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